A ma douce...


En mémoire de Romane.
Belle et intrépide Romane, tuée à l'aube de sa vie d'adulte par un homme ivre d'alcool, de vitesse et de bêtise.
http://romane16anspourtoujours.blogspot.com/2010/04/deux-hommes-en-noir.html

Comme nous manque la chaleur de ta présence, de ton rire, de ta voix. Ton intelligence, ton exigence et ton impertinence.

mardi 27 avril 2010

Mot d'absence






















J'ai pris la fuite. Nous sommes partis. 
J'ai pris soin de ta tombe avec des fleurs de printemps et des petits moulins qui tournent dans le vent. Et je suis partie, là où je ne croiserais personne qui sache. Personne en face de qui me forcer. A sourire quand j'ai envie de pleurer. A parler de toi quand je suis en train de penser à autre chose. A accueillir les regards de compassion quand je souffre moins. A être “courageuse” quand j'ai envie de hurler. 

Et nous sommes revenus. 
Qu'il est doux de revoir les amis.

Il fait beau tu sais. Et Gustave marche. Il est drôle. 



“Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.”
C. Baudelaire 



Maman
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Petits mots…

“… Je suis moi… Vous êtes vous… 
Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours…
Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné.
Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait…
N'employez pas un ton différent,
Ne prenez pas un air solennel ou triste,
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble,
Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.
Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été,
Sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre…
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été
Le fil n'est pas coupé…
Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement
parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin…”

M. Bougaud

[ Choisi par Micky, mamie de Romane ]
Grand-mère paternelle de Romane

samedi 17 avril 2010

Heureuses

Je ne sais pas quelle heure il est, je ne sais pas où je suis, j'ai même du mal à comprendre qui je suis.
Il y a juste beaucoup de lumière et de gens.
J'ai mal et ma tête est entourée de quelque chose que je n'arrive pas à reconnaître.
On me dit que j'ai eu un accident, qu'il ne faut pas m'inquiéter, je ne comprends pas, je ne me souviens de rien.
Maman arrive. Elle pleure, j'essaie de la rassurer, de la rassurer de je ne sais quoi.
Elle demande si l'on m'a dit pour mes amis, je ne comprends pas, la réponse est négative.
On va m'opérer, j'ai peur et je n'arrive toujours pas à comprendre.
Enfin, j'ouvre les yeux, maman est là, avec des gens, ils ont tous un air grave, ça me fait peur.
"Tu as eu un accident en descendant de La Clusaz". Maman me sert la main et je sens que ce qu'elle va dire est difficile.
"Romane et Etienne sont décédés."
J'ai mal, très mal et les larmes coulent. Je comprends de moins en moins.

Il y a donc un an, jour pour jour, j'étais avec eux.
Romane et moi avions passées la journée ensemble et, en fin d'après-midi, assises à la terrasse d'un café, sous ce soleil de début de printemps, on monte le plan d'aller à Thônes voir Etienne.
Françoise, la mère de Romane, nous monte. Pendant le trajet on parle d'avenir, d'étude, on rigole, on est bien.
Etienne ne devant pas nous rejoindre tout de suite, on achète une pizza, que l'on mange assises les pieds dans le vide au dessus du Fier. Il fait toujours beau. On parle, on se confie, on s'aime.
Etienne nous rejoint, on se dirige au Rolland, le petit bar de Thônes, et la soirée commence.
On décide d'aller à La Clusaz, un copain nous y emmène.
On rit, on croise des gens, on parle, on vit tout simplement.
Je ne me rappelle que de ces bons moments.
Aujourd'hui c'est dur, car il faut continuer à vivre. Sans eux.
Romane ma meilleure amie,
Etienne mon bon ami.

Ma romane si jolie, si différente des autres et qui me comprenait tant.
Tes jolies dents écartées, ton nez, ton rire, ta voix.
Ta façon de tomber amoureuse, ton réconfort, tes petites attentions, tes bisous,
ta folie des vêtements, tes Glamour, tes pleurs.
Nos disputes, nos désaccords, nos différences, nos discussions, nos réconciliations.
Tout me manque chez toi, même ce que je ne supportais pas avant.
C'est difficile de voir le temps avancer sans toi, il y a des petites choses que je n'aurais pu dire qu'à toi, des moments que tu aurais rendu encore plus beaux, et des sourires que tu m'aurais rendu.
1 an, c'est si long. Et il va y en avoir tellement d'autre.
Je voudrais faire de ma vie quelque chose de beau pour que tu sois fière.
Il n'y a pas un jour où tu n'es pas avec moi. 
Ici on essaie tous de vivre comme on peut. On se bat parce que l'on a pas le choix, mais tu manques à tous les gens qui t'aimaient.

Je t'aime 

Ton Baboo...

jeudi 15 avril 2010

Un an sans toi

Quelques mois ? Plusieurs années ? Un an ! Je sais mais je ne sais plus. Le temps s'est arrêté ce 18 avril 2009 lorsque vers 6 h du matin mon portable a sonné. Au bout du fil ma fille en pleurs pouvant à peine parler :
- Romane a eu un accident maman.
- C'est grave ?
- Elle est morte maman. Romane est morte.
- Non, ce n'est pas possible.

Combien de fois je répète "Ce n'est pas possible". Je crois devenir folle. Tout s'écroule, tout s'effondre.
Comment réaliser un tel drame ? Comment accepter l'inacceptable ?
Un an est passé, ce moment est fixé à tout jamais et revient souvent. La vie continue bien sûr, mais le vide et ce poids au creux de l'estomac sont toujours là. Tu me manques tellement ma petite fille chérie. Surtout ne pas imaginer un avenir qui n'existera pas, penser aux jours radieux partagés pour te sentir encore près de moi.

Il y a quelques souvenirs parmi tant d'autres qui me reviennent souvent.
Tu avais environ 15 mois tu étais déjà très déterminée. Au moment de quitter le petit square à La Roche j'ai été confrontée à un refus total, pas de négociation possible. Grosse colère. Tu t'affirmais !

Quelques années plus tard lors d'une promenade qui te semblait trop longue, tu t'es arrêtée en disant "j'ai mes jambes toutes usées".

Plus tard encore suite à une contrariété tu as préparé un petit sac et dit "je veux aller vivre dans le bois avec les écureuils". J'ai réussi à t'en dissuader...

Au moment de l'école élémentaire il y a eu les bons moments partagés à la piscine le mardi soir et les parties de jeux le mercredi, surtout le jeu des 7 familles "animaux". Nous nous chamaillions pour avoir nos familles préférées. Tu gagnais souvent !

Est venu le temps du collège j'allais te chercher le mercredi à midi et l'après-midi tu venais t'installer près de moi avec livres et cahiers nos bavardages prenaient souvent le pas sur les devoirs ! Quels bons moments !

Puis ce fut le lycée. De pré-ado vive belle et souriante tu as évolué en une superbe jeune fille, élégante, souvent coiffée de chapeaux que tu portais si bien. Tu es devenue un peu plus secrète. Tu avais ton réseau d'amies  et... d'amis ! Tu commençais à sortir. Nous parlions livres, chansons, cinéma où nous allions parfois toutes les deux. C'était un moment privilégié.
Et puis il y a eu ce jour, fin mars 2009, à jamais gravé dans mon cœur où je t'ai aperçue avec ton amoureux marchant main dans la main sur un pont du Thiou. Que vous étiez beaux ! Tu étais légère et rayonnante, pleine de joie de vivre. HEUREUSE, MAGNIFIQUE. Je n'ai pas voulu t'interpeller au risque de briser cet instant merveilleux. Je l'ai savouré, imaginant pour toi ma chérie un avenir qui ne pouvait être que brillant.

Je t'ai souvent dit ou écrit "je t'aime" mais ce n'est jamais assez. Je te le redis encore ma merveilleuse petite fille "je t'aime". Tu m'as apporté tellement de joies et de tendresse.

[ Ta Mamou ]
 Grand-mère maternelle de Romane

mercredi 14 avril 2010

Adélaïde et Romane














Juste vous. Juste tout.
La dernière photo de Romane je crois.

Nous restions dieu merci à la merci d’un abribus...


Le jour était clair, le soleil se montrait, le premier jour du printemps pointait le bout de son nez et nous étions là, assises en tailleur sous cet abribus, tandis que devant nos yeux naïfs les gens avançaient, se pressaient dans les navettes défilant une à une. Tu souriais.  
Droite, voire raide malgré tes jambes entremêlées, tu ne te souciais guère des regards, du soleil, des oiseaux, ni même des gens, tu n’attendais aucun bus mais tu étais là, élégante et romantique, fumant cigarette sur cigarette, dont la fumée dansait entre tes yeux verts lorsque tu la soufflais, insouciante. Tu étais belle. 
Tu étais belle mais on s’en foutait. La vie devant nous, nous n’avions qu’à tendre la main pour la cueillir, il s’agissait seulement d’en avoir envie, mais pour l’instant nous restions dieu merci à la merci d’un abribus.
Le vent faisait onduler tes cheveux. Tu t’inquiétais de temps à autre de la disposition de tes mèches, jetant un coup d’œil à ton miroir de poche. Tu parlais, accompagnant tes paroles de la musique de tes rires, assemblant gracieusement les mots, ta voix douce mais ferme soulignant tes convictions, réfutant ce que tu haïssais. Tu refaisais le monde avec l’eau de rose de tes pensées, tu jouais avec les temps et les modes, tu te moquais de l’imprévu, ton futur ne se résumait pour l’instant qu’au trottoir d’en face, au repas du midi, à la soirée du samedi, aux prochaines vacances. Et à l’amour, aussi.                
L’insouciance berçait nos âmes. Tu portais un de ces fins pulls de coton qui dévoilait ta nuque, d’une teinte grise soulignant ta peau exsangue, tu étais fragile et forte à la fois, déterminée et emplie de doutes, drôle sans le savoir, amoureuse de différents garçons, amoureuse de l’eau à l’orange, amoureuse des livres, amoureuse de l'amitié, amoureuse du cinéma, amoureuse de la vie.
Qu’elles avaient de la chance, ces deux filles-là, sur ce banc abrité d’un couvercle de verre. Protégées, gardées, assurées de ce qu’il leur restait. De tout ce qu’il leur restait, et de tout ce qu’elles avaient déjà. Qu’elles avaient de la chance, avec leurs petits tracas du quotidien, avec leurs peines et leurs joies, leurs rires et leurs pleurs. Qu’elles avaient de la chance. Qu’elles avaient de la chance d’ignorer qu’elles en avaient.
[   Adélaïde  ] 
Une amie de Romane

Belle ange

Chaque fois que tu t'es perdue dans les dédales de tes pensées, tu m'y as rencontré. J'étais là, sur le bord du chemin. Je semblais t'attendre, comme si je savais que tu allais venir. Tu ne savais pas depuis combien de temps j'étais plantée là, mais je n'étais ni étonnée de te voir si tôt, ni soulagée de te voir enfin. J'étais juste là, debout. Je te regardais. Je ne voyais pas tes yeux, mais j'en devinais leur douce couleur verte et je sentais ton regard me transpercer. J'en étais bouleversée à chaque fois, comme si c'était la première fois. Ton petit sourire semblant une réponse au mien, j'étais bien.
Une petite brise venant de nulle part soufflait et balayait toutes ces futilités, ces parasites, qui t'encombraient l'esprit. Mais tu savais que je n'étais pas là inutilement. Que ces futilités, en me les exposant, je te prouverais leur ridicule et t'en débarrasserais. C'est ça que tu devais faire. Me parler. M'en parler. Je n'étais pas n'importe qui. Nous étions deux inconnues rencontrées sur le bord d'un chemin. Chaque fois qu'on s'y rencontrait, c'était avec la même émotion, celle qui m'enveloppait le cœur d'une chaleur de bien-être, mais je gardais ce caractère mystérieux, et cela te surprenait sans cesse. Et, tu te rendais compte que tu étais capable de partager avec moi, inconnue, des réflexions nouvelles. Tu me posais des questions, je te donnais des réponses. Et j'y mettais à chaque fois une certaine sagesse, celle qui rassure et qui a le recul nécessaire. Je ne décidais rien pour toi, je te proposais. Tu choisissais. Parfois, tu choisissais mal. Mais j'étais toujours là, la fois d'après, pour te reproposer un choix : te lamenter, te plaindre, t'effacer ou continuer à avancer, réparer, te rattraper ou passer outre, vivre. J'ai toujours essayé de trouver les bons mots, ceux qui t'éclairaient et te sortaient de l'enfer dans lequel tu étais tombée, ce gouffre sombre qui me donnait l'impression de t'étouffer, t'engloutir. J'en avais le vertige pour toi.
J'aurais voulu être là pour t'empêcher de tomber ou pour t'aider à remonter.
T'ouvrir des portes dont tu ne soupçonnais même pas l'existence. Être cet équilibre qui t'aurait tenu sur ce fil et t'aurait empêché d'en tomber.
Tu pouvais me parler de tout. J'étais un peu comme ce silence qui ne juge pas.
Tu me criais tes coups de gueule, les injustices qui te touchaient, ces droits qu'on t'enlevait. Comme un océan en toi... Tu pleurais dans mes bras et chaque larme était violence, brutalité, fureur, rage, frénésie, acharnement, déception, désillusion, reproche, blâme, critique, douleur... Tout cela sortait, enfin, juste là devant moi, tu étalais tout et je ne disais rien. Je te laissais te vider de tous ces maux, avant d'échanger un simple regard complice apaisant. Je ne t'aurais pas laissée te noyer. Je t'aurais appris à nager, à choisir, à avancer sans regarder en arrière, je t'ai dis que rien n'est jamais perdu, et que l'on peut toujours s'en sortir. Je t'ai dis que le plus important était d'écouter son cœur, car les regrets et les remords sont des insectes ravageurs de l'âme. 

Parfois j'aperçois, cachée dans le décor d'un de mes rêves, une silhouette qui te ressemble. Ses cheveux filent au vent et son attitude délicate me fascine. Je me doute que c'est toi, car quoi qu'il se passe dans mes rêves, je t'y retrouve.

Dans mes plus grands moments de solitude, j'espère que tu sais, où que tu sois, que je suis toujours prête à t'écouter, controverser des sujets, te perturber. Il m'a toujours suffit de m'enfuir, de fermer les yeux pour te retrouver et tuer le temps à explorer ton sourire et ton regard captivant, plongée dans mes souvenirs qui tombent en cascade.

Un jour, alors que je vivais bel et bien dans la réalité, alors que le soleil tapait sur toutes ces âmes immortelles, qu'il faisait étinceler leurs sourires, j'ai reconnu le tien. J'ai croisé ton regard. Ce vert, je l'aurai reconnu entre milles. Tu étais là, parmi eux. Là. Pour de vrai. Devant mes yeux ouverts. Toi, l'inconnue que j'avais attendue tant de fois sur le bord du chemin, qui m'avait fait nager au milieu de toutes ces discussions, de toutes ces questions et que j'avais tant bien que mal séchées, chaudement, agréablement, de réponses. Oui, tu étais là. Je n'aurai alors plus à souffrir les yeux fermés, à pleurer à l'intérieur de moi, à être heureuse en silence, à aimer en secret. Partager, c'est ce qui fait l'humanité. Il suffit de trouver les bonnes personnes avec qui partager.


[ Louise ]
Une amie de Romane

361 jours sans toi



On essayait des bonnets devant le grand miroir du salon...

Comment “t’écrire”, te rendre aux autres par l’écriture ? J’ai peur de te trahir, de ne pas donner toutes tes nuances. Tes mouvements à la fois doux, élégants mais aussi brusques et gauches. Le débit de tes mots. Ton sourire et ta moue boudeuse. Et surtout, surtout, tout le “dedans”.

Que faire de cet amour pour toi qui n’est plus nourri par ta présence ?
Je voudrais inscrire ma vie quelque part pour que la tienne s’inscrive dans la mienne.
Peut-être est-ce cela continuer de vivre sans toi.




Maman

mardi 13 avril 2010

Zéphyr et Romane






















 Mes deux amours que je n'arrive pas à dissocier...
Mais je suis dans la vie mon Zéphyr, même quand j'ai l'air absente, je suis dans la vie avec toi.



Mam'

jeudi 8 avril 2010

7 avril 2009, avec Gustave…





“Crois-tu que je pourrai vivre, moi, sans elle ? Crois-tu que je l'accepterai, votre vie ?
Et tous les jours, depuis le matin jusqu'au soir, sans elle. Et votre agitation, votre bavardage, votre vide, sans elle.”


Extrait d'Antigone de Jean Anouilh
 
Hémon s'adressant à Créon

mercredi 7 avril 2010

Deux hommes en noir



C’est un jour comme les autres. Enfin depuis quelque temps les jours sont un peu différents, depuis un peu plus de trois mois et demi. Parce qu’il y a trois mois et demi est né Gustave, un petit garçon beau et rond, un bébé de magazine. Tu le trouves magnifique… dès que j’ai le dos tourné ! Tu prends le berceau dans ta chambre et tu lui parles de ta vie de grande. On se dispute assez souvent. C’est difficile d’avoir un petit frère à 16 ans, à l’âge où l’on peut déjà faire l’amour et même être mère, c’est difficile de voir sa mère se transformer en baleine et mettre au monde un enfant qui prend de la place. Alors tu as un peu peur de ne plus en avoir assez, de la place. Mais petit à petit chacun prend la sienne. Je “joue” à la maman qui se fâche, tu “joues” à la jeune fille qui boude. Puis parfois tu viens te poser là, près de mon bureau et tout reprend son cours, de confidences et de partage.

C’est un jour comme les autres. Zéphyr vient de prendre le train pour repartir à Lyon, on fait les courses avec le landau vert, et tu m’appelles pour la énième fois sur mon portable pour me demander si ce soir nous pourrions vous accompagner à Thônes avec Barbara. Je dis non. Et puis je parle avec David, je me dis que c’est presque la fin des vacances, que c’est vrai, que je t’ai un peu délaissée avec la naissance de Gustave. Après tout une fois ton petit frère couché je peux te conduire là-haut. Je t’appelle, je te dis oui. Tu es toute contente, tu fais des essayages pour savoir quelle tenue mettre. Tu demandes l’avis de Barbara, celui de Souad, puis le mien… qui n’est pas le même. Du coup tu ne sais plus. La blouse en soie dans le jean ou au dehors ? Je ne sais plus ce que tu as choisi. Dedans ou dehors. Je ne suis plus sûre du jean que tu avais choisi non plus. Dessus tu as mis ton blouson vert, ça j’en suis sûre. Et tes bottines en daim. Tu virevoltes et je râle. Je te demande de descendre les poubelles et là c’est toi qui râle. En plus un liquide coule de la poubelle et vient tâcher tes bottes. Je te menace de ne pas t’emmener si tu continues à te plaindre de si peu. Et nous partons.
Je conduis tranquillement, il y a trois places à l’avant, tu es à côté de moi et Barbara près de toi. Et on parle. Il fait très beau. On vient de passer à l’heure d’été alors les jours semblent plus longs. Je me rappelle avoir dit que, quand même, vous exagériez, nous habitons tout près du centre ville et vous voulez toujours monter à 15 km de là. Tu me dis que tu as réfléchi, que oui, tu vas tenter le conservatoire de théâtre à la rentrée prochaine. Je suis heureuse. Je me dis que finalement tu écoutes mes conseils et que tu fais un peu plus confiance à tes talents. On arrive. Je vous dépose toutes les deux, tu reviens vers moi et tu me demandes avec un grand sourire “Maman, tu m’aimes ?”. Je t’ai répondu avec un agacement feint “Mais oui, allez, il faut que je rentre maintenant. Et vous êtes sages !”.

Je ne sais plus ce que l’on a fait ce soir-là. Un peu regardé la télé probablement. J’avais bien en tête ma journée du lendemain, plein de choses à faire. Un samedi.

Il est 5h du matin et je crois entendre la sonnette. Oui ça sonne, ça sonne. Je pars dans le couloir, je me dis, ce n'est pas vrai, elles sont redescendues seules et elles ont oublié les clés. Ton grand frère m’a déjà fait le coup… Je m’apprête à vous ouvrir et à me fâcher.
“Madame, c’est la police”.
Ils sont deux tout en noir. Ils sont jeunes. Ils disent “Madame, votre fille a eu un grave accident”. Je dis que ce n’est pas possible. Que c’est moi qui vous ai conduit. Il y a erreur. Il me disent, “ votre fille s’appelle bien Romane Perrier, elle est lycéenne à Berthollet ? Il faut que vous appeliez la gendarmerie”. Ils auraient du me dire tout de suite, mais sans doute en me voyant ils n’ont pas pu. Gustave se réveille. David est là. J’appelle. La voix dit “Madame, votre fille est décédée cette nuit dans un accident de voiture”. Je regarde David, je prononce les “mots”. Les policiers me demandent si ils doivent rester. Je dis que je veux la voir. On me dit que ce n’est pas possible. Pas maintenant. On me dit qu’ils étaient cinq dans une voiture. Qu’on ne sait rien. Qu’il y a un autre mort et des blessés. Gustave a faim. David va prévenir Souad dans sa chambre. Je ne sais plus dans quel ordre. J'ai toujours les jambes nues, je vais dans notre chambre, je crois que je pousse un cri. David dira que j’ai hurlé.

Ce soir là vous avez décidé de sortir dans un village un peu plus haut, un ami vous y a conduit, puis vous êtes partis de votre côté, toi, Etienne et Barbara.
Vous avez rencontré Alexandre, et vous avez décidé de redescendre en stop. Deux garçons, deux filles.
L’homme qui s’est arrêté avait beaucoup bu. Et il aimait “faire” de la vitesse. Probablement a-t-il voulu “vous faire peur”. Vous l'avez supplié d'arrêter, vous avez crié. Moins de deux minutes après vous avoir pris il a quitté la route, pas une trace de frein. Il est près de 2h du matin. Etienne et Romane n’auront plus jamais peur.

C’était il y a presque un an, le 18 avril 2009.



Françoise / Lili / Doune... La maman de Romane