A ma douce...


En mémoire de Romane.
Belle et intrépide Romane, tuée à l'aube de sa vie d'adulte par un homme ivre d'alcool, de vitesse et de bêtise.
http://romane16anspourtoujours.blogspot.com/2010/04/deux-hommes-en-noir.html

Comme nous manque la chaleur de ta présence, de ton rire, de ta voix. Ton intelligence, ton exigence et ton impertinence.

lundi 18 avril 2016

7 ans. Je ne reviendrais plus.

















« Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l'ai quitté
Et les teintes d'aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d'une nuit d'été »
Louis Aragon

7 ans. Je ne reviendrais plus.
7 ans ton âge de morte et l’âge de vivant de ton petit frère. Cet âge que l’on dit « de raison ».
7 Ans, trop de morts, trop de vie, plus de mots, je ne reviendrais plus.

Ce qui se trame entre toi et moi et à quelle date, ne regarde plus que nous. J’aime encore trouver ici les petits mots de personnes que j’aime et qui t’ont aimé, et ceux des quelques anonymes qui suivaient le fil des annonces dans Libé. Et Méjo. Et en recevoir encore. Petites traces d’autres pensées que les miennes.

Mais il n’y aura plus d’annonce dans Libé. Ce devait être la dernière, j’ai écrit le petit mot, choisi une photo… et au moment de choisir la date je ne pouvais pas sélectionner le 18 avril, seulement le 19. Trop tard. J’ai appelé… La voix au bout du fil était terriblement neutre, service minimum et sans appel. Mettre l’annonce le 19… ou pas. S’il me fallait un signe pour confirmer ma décision, il était là.

Ici, c’est ta « tombe » numérique, sur celle-ci les mots, sur l’autre des fleurs. De moins en moins souvent sur les deux. Mais ça ne me désespère pas, ça me semble le chemin naturel de la vie. Ton empreinte est en moi et ce qu’elle est en moi, ce que je vis avec elle, est à la fois constant et palpitant. Comme un organe.

Me replonger dans tes photos à date fixe c’est plonger délibérément dans la douleur à date fixe aussi. Je ne veux plus. Je ne peux plus.

Il y a cette maison que je crois tu aurais aimé. Je ne savais pas que j’aimerais autant voir et faire vivre le jardin. Que je me réjouirais au printemps de voir pointer le bout des pivoines que nous avons déplacé au pied du lilas. Que je me lèverais à 5h pour rendre visite aux tomates en été…
J’ai planté les rosiers de Méjo. Il y a beaucoup de rosiers ici dont un surtout devant la maison qui est le tien. Il était là quand nous sommes arrivés et il est évident que c’est le tien.

Ma douce, mon aimée, j’ai regardé ce matin les petits diaporamas que j’avais fait pour tes 11 ans. J’aurais voulu les mettre ici mais les technologies ont évolué et moi pas autant, il faudra que j’y passe un peu plus de temps peut-être.
Je ne pourrais pas planter le jasmin étoilé aujourd’hui, il pleut. Alors je vais trier les jouets de Gustave. On vient de lui faire un lit « cabane d’aventurier, chevalier, chercheur d’or, pirate » dans une jungle où les toucans côtoient les chouettes et les ptérodactyles. Et les dragons aussi.

« Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton cœur
Un dragon plongea son couteau
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au loin les suivent »
Louis Aragon

Je t’aime.

Maman