A ma douce...


En mémoire de Romane.
Belle et intrépide Romane, tuée à l'aube de sa vie d'adulte par un homme ivre d'alcool, de vitesse et de bêtise.
http://romane16anspourtoujours.blogspot.com/2010/04/deux-hommes-en-noir.html

Comme nous manque la chaleur de ta présence, de ton rire, de ta voix. Ton intelligence, ton exigence et ton impertinence.

mercredi 14 avril 2010

Belle ange

Chaque fois que tu t'es perdue dans les dédales de tes pensées, tu m'y as rencontré. J'étais là, sur le bord du chemin. Je semblais t'attendre, comme si je savais que tu allais venir. Tu ne savais pas depuis combien de temps j'étais plantée là, mais je n'étais ni étonnée de te voir si tôt, ni soulagée de te voir enfin. J'étais juste là, debout. Je te regardais. Je ne voyais pas tes yeux, mais j'en devinais leur douce couleur verte et je sentais ton regard me transpercer. J'en étais bouleversée à chaque fois, comme si c'était la première fois. Ton petit sourire semblant une réponse au mien, j'étais bien.
Une petite brise venant de nulle part soufflait et balayait toutes ces futilités, ces parasites, qui t'encombraient l'esprit. Mais tu savais que je n'étais pas là inutilement. Que ces futilités, en me les exposant, je te prouverais leur ridicule et t'en débarrasserais. C'est ça que tu devais faire. Me parler. M'en parler. Je n'étais pas n'importe qui. Nous étions deux inconnues rencontrées sur le bord d'un chemin. Chaque fois qu'on s'y rencontrait, c'était avec la même émotion, celle qui m'enveloppait le cœur d'une chaleur de bien-être, mais je gardais ce caractère mystérieux, et cela te surprenait sans cesse. Et, tu te rendais compte que tu étais capable de partager avec moi, inconnue, des réflexions nouvelles. Tu me posais des questions, je te donnais des réponses. Et j'y mettais à chaque fois une certaine sagesse, celle qui rassure et qui a le recul nécessaire. Je ne décidais rien pour toi, je te proposais. Tu choisissais. Parfois, tu choisissais mal. Mais j'étais toujours là, la fois d'après, pour te reproposer un choix : te lamenter, te plaindre, t'effacer ou continuer à avancer, réparer, te rattraper ou passer outre, vivre. J'ai toujours essayé de trouver les bons mots, ceux qui t'éclairaient et te sortaient de l'enfer dans lequel tu étais tombée, ce gouffre sombre qui me donnait l'impression de t'étouffer, t'engloutir. J'en avais le vertige pour toi.
J'aurais voulu être là pour t'empêcher de tomber ou pour t'aider à remonter.
T'ouvrir des portes dont tu ne soupçonnais même pas l'existence. Être cet équilibre qui t'aurait tenu sur ce fil et t'aurait empêché d'en tomber.
Tu pouvais me parler de tout. J'étais un peu comme ce silence qui ne juge pas.
Tu me criais tes coups de gueule, les injustices qui te touchaient, ces droits qu'on t'enlevait. Comme un océan en toi... Tu pleurais dans mes bras et chaque larme était violence, brutalité, fureur, rage, frénésie, acharnement, déception, désillusion, reproche, blâme, critique, douleur... Tout cela sortait, enfin, juste là devant moi, tu étalais tout et je ne disais rien. Je te laissais te vider de tous ces maux, avant d'échanger un simple regard complice apaisant. Je ne t'aurais pas laissée te noyer. Je t'aurais appris à nager, à choisir, à avancer sans regarder en arrière, je t'ai dis que rien n'est jamais perdu, et que l'on peut toujours s'en sortir. Je t'ai dis que le plus important était d'écouter son cœur, car les regrets et les remords sont des insectes ravageurs de l'âme. 

Parfois j'aperçois, cachée dans le décor d'un de mes rêves, une silhouette qui te ressemble. Ses cheveux filent au vent et son attitude délicate me fascine. Je me doute que c'est toi, car quoi qu'il se passe dans mes rêves, je t'y retrouve.

Dans mes plus grands moments de solitude, j'espère que tu sais, où que tu sois, que je suis toujours prête à t'écouter, controverser des sujets, te perturber. Il m'a toujours suffit de m'enfuir, de fermer les yeux pour te retrouver et tuer le temps à explorer ton sourire et ton regard captivant, plongée dans mes souvenirs qui tombent en cascade.

Un jour, alors que je vivais bel et bien dans la réalité, alors que le soleil tapait sur toutes ces âmes immortelles, qu'il faisait étinceler leurs sourires, j'ai reconnu le tien. J'ai croisé ton regard. Ce vert, je l'aurai reconnu entre milles. Tu étais là, parmi eux. Là. Pour de vrai. Devant mes yeux ouverts. Toi, l'inconnue que j'avais attendue tant de fois sur le bord du chemin, qui m'avait fait nager au milieu de toutes ces discussions, de toutes ces questions et que j'avais tant bien que mal séchées, chaudement, agréablement, de réponses. Oui, tu étais là. Je n'aurai alors plus à souffrir les yeux fermés, à pleurer à l'intérieur de moi, à être heureuse en silence, à aimer en secret. Partager, c'est ce qui fait l'humanité. Il suffit de trouver les bonnes personnes avec qui partager.


[ Louise ]
Une amie de Romane

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